“On sort de la honte comme on sort d’un terrier”.
La honte éloigne des autres. Elle est intimement liée à la confiance en soi et peut aisément faire adopter des conduites d’évitement.
Dans les troubles alimentaires, il s’agit de la honte d’être vu.e, on se sent honteux, honteuse alors que l’on n’y est pour rien, quand bien même, cela se traduit par la recherche de banalisation pour «être comme tout le monde».
Qui n’a jamais eu honte ?
A un moment donné de sa vie, on croise la honte, cette émotion qui donne envie d’être loin des regards. La honte est l’émotion la plus douloureuse qui soit ressentie, avec le souvenir douloureux persistant d’avoir eu honte.
Se sentir honteux de son comportement est le quotidien des personnes souffrant d’un trouble alimentaire. Manger en cachette, se taire, faire comme si de rien n’était, ne pas oser évoquer ni donner son avis sur le sujet, craindre le regard de l’autre… avec une douleur morale clairement conscientisée ou pas, c’est cela la honte.
La honte ressentie lors d’un trouble alimentaire : « je me cache, je subis le rejet et je me dévalorise »
Parmi les 7 raisons possibles de la honte, la honte de comportement est celle que l’on retrouve dans les troubles des conduites alimentaires.
Corporellement, la honte habite tout le corps. On se sent alors gêné.e physiquement dans ses gestes et ses attitudes, gêne dont on ne connaît pas toujours l’origine. On se cache. L’image corporelle est touchée, le corps est à cacher sous des vêtements amples, aux teintes foncées ou ternes.
L’expression « mort de honte » traduit l’angoisse très forte d’être rejeté.e. suite au ressenti, dans le regard de l’autre, du sentiment d’échec. Se sentir ainsi amoindri.e dans le regard de l’autre implique la nécessité de se resituer dans celui-ci.
La honte participe ainsi au sentiment de dévalorisation. Si bien que la posture de la personne honteuse en est affectée. Une posture de soumission est alors adoptée, pouvant même se traduire physiquement par un regard évitant, la tête baissée, l’allure fuyante avec cette envie de parfois disparaître pour échapper au regard de l’autre de peur qu’il découvre l’objet de cette honte.
De l’importance de l’identifier
Le premier point est de prendre conscience de ce sentiment honteux, à travers la lecture, le cinéma par exemple.
Puis, l’identifier permet de prendre de la distance vis-à-vis de cette honte.
La nommer. La dévoiler. Cela vient réparer et permet de porter un nouveau regard.
Honte versus culpabilité
La culpabilité c’est entre soi et soi.
La honte, elle, est liée au regard de l’autre. Elle relève du « subir » par rapport à la culpabilité qui relève du « faire ». La honte, c’est le regard de l’autre et se voir être vu.
Savoir cela permet de faire la part de ce qui nous appartient de ce qui ne nous appartient pas.
De l’importance de se rattacher à un groupe
Le propos est de transformer une honte personnelle en une honte collective, rendu possible grâce à la culture par le cinéma, le théâtre, la lecture. En effet, se rattacher à un groupe est indispensable pour sortir de la honte et se réaffilier au genre humain.
Ainsi, certains auteurs, en dénonçant différentes discriminations sociales permettent ce sentiment d’appartenance à un groupe identifié.
Dans son film « On achève bien les gros », Gabrielle Deydier permet de libérer la parole des personnes en surpoids ou en obésité qui, victimes de grossophobie, peuvent se trouver dans cette posture de honte.
Également dans un autre contexte, le mouvement social Mee too encourage la prise de parole des femmes.
De même, Boris Cyrulnik, neuro-psychiatre, exprime et explique dans son ouvrage « Mourir de dire » ce sentiment qu’il a lui-même ressenti de manière violente en étant victime du nazisme.
Sortir de la honte pour entamer un processus de résilience
Au même titre que la solitude et le non-sens, la honte empêche la résilience, c’est-à-dire la reconstruction d’un individu, après un évènement traumatique, d’une manière socialement acceptable.
Pour reprendre les dires de Boris Cyrulnik, pour quitter la honte, il est nécessaire de l’exprimer en la verbalisant, l’écrit seul ne suffit pas.
Également, le soutien de son entourage et de professionnels de santé aide la personne concernée à reprendre un autre développement post-traumatique.
Ainsi, la honte ressentie peut être le point de départ d’une réflexion…afin de se sentir, au final, juste un peu embarrassé.e.
Bibliographie :
Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, auteur de «Mort de honte» paru en 2019.
Boris Cyrulnik, neuro-psychiatre et psychanalyste, «Mourir de dire» paru en 2010.